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La confusion entre "autistic" et "autist" chez les anglophones

Un autiste • juin 15, 2023
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   Oui !

Ce sujet va bien au-delà de la simple étymologie de ces mots. Car le langage exerce une influence considérable sur l’appréhension, la représentation et les interactions avec le monde. Des recherches (L Kenny, C Hattersley & All, 2016, K Cooper, L Smith et A Russell, 2017 ou R Monk, A Whitehouse, 2022) indiquent la façon dont les mots ont un impact significatif sur la perception des gens. De plus, les mots sont susceptibles d’évoluer au fil du temps. Dans le meilleur des cas, ces changements lexicaux reflètent une compréhension accrue et une sensibilisation croissante à l’égard de la diversité. Par conséquent, en prônant une utilisation précise et correcte des mots, il est possible d’améliorer les échanges et de contribuer à un monde plus respectueux.

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   La formation des mots "autist" et "autistic"

Au début du XXᵉ siècle, le psychiatre Eugen Bleuler mena des travaux sous l’emprise de psychanalystes tels que Carl Gustav Jung, Karl Abraham ou encore Ludwig Binswanger. Cependant, il ne souhaitait pas utiliser le vocabulaire libidineux de Sigmund Freud pour ses recherches scientifiques. Alors, il créa des mots. Bleuler a inventé le néologisme allemand "autismus". En France, ce mot se traduit par "autisme", tandis qu’en anglais, il s’écrit "autism". Bleuler élabora le mot "autismus" par la contraction du mot "autoerotismus". Le mot "autoerotismus" est quant à lui la traduction allemande du terme anglais "autoeroticism". L’autoérotisme fut inventé par le médecin Havelock Ellis, mais Freud s’appropria ce concept dès 1905 (plus d’informations sur Wikipédia). Bleuler déclara à ce propos :

« Ce que j’entends par autisme est à peu près la même chose que l’autoérotisme de Freud, mais je préfère éviter d’utiliser cette expression, parce que tous ceux qui ne connaissent pas exactement les écrits de Freud la comprennent de travers. » (Marie-Claude Thomas, Genèses de l’autisme, Freud, Bleuler, Kanner, 2014)

Bleuler développa également des variantes du mot "autisme". Il employa le terme "autiste" et le terme "autistique", comme avec sa "pensée autistique". Ces termes furent ensuite repris par d’autres auteurs, comme le Dr Wilhelm Strohmayer en 1922.

 

Les langues française, allemande et anglaise appartiennent à la famille des langues indo-européennes. Au fil du temps, ces langages se sont différenciés et ont développé leurs propres caractéristiques distinctes. Cependant, ils partagent aussi de nombreux éléments communs. Par exemple, ces trois langues utilisent des suffixes pour former de nouveaux mots :

  • En allemand : Le terme "autist" a été créé à partir du mot "autismus" et du suffixe "-ist".
  • En français : Le mot "autiste" est construit en utilisant le mot "autisme" et le suffixe "-iste".
  • En anglais : Le terme "autist" a également été formé à partir du mot "autism" et du suffixe "-ist".

 De même :

  • En allemand : Le terme "autistisch" a été créé à partir du mot "autist" et du suffixe "-isch".
  • En français : Le mot "autistique" est construit à partir du mot "autiste" et du suffixe "-ique".
  • En anglais : Le terme "autistic" a été formé à partir du mot "autist" et du suffixe "-ic".

Dans chacune de ces langues, le mot "autisme" désigne une neurodiversité. Le mot "autiste" fait référence à une personne exprimant l’autisme, tandis que le terme "autistique" qualifie quelque chose relié à l’autisme. Par exemple, les "troubles autistiques" sont des troubles qui se veulent reliés à l’autisme. Selon cette terminologie, il est explicité que l’autisme ne doit pas être considéré comme un trouble en soi, mais plutôt comme une neurodiversité qui peut être accompagné de troubles spécifiques à sa différence.


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   Le débat entre "autist" et "autistic"

Depuis l’époque contemporaine, deux langues se sont distinguées à l’international : le français et l’anglais. Cependant, c’est l’anglais qui s’est imposé comme langue internationale. Le français, lui, s’est érigé au sein de l’élite intellectuelle mondiale du fait de sa structure linguistique prodigieusement sophistiquée. Tandis que l’anglais a conquis le monde entier par sa remarquable simplicité.

Bien que l’anglais ne soit pas dépourvu d’irrégularité, cette langue présente une conjugaison verbale bien plus simple que celle d’autres langues indo-européennes. L’anglais se distingue aussi par l’absence de genres et d’accords spécifiques. Et son vocabulaire est un mélange harmonieux entre le vieux français, le vieil anglais et d’autres langues, la rendant ainsi plus accessible à un large public. De plus, l’anglais regorge de mots monosyllabiques, facilitant grandement leur prononciation. L’anglais est également connu pour transformer ces mots par d'autres. Par exemple, avec "the unknown" (l’inconnu) ou "the wealthty" (le riche). Il en va de même pour le terme "autistic" (autistique) qui est utilisé à la place de "autist" (autiste) pour quelques anglophones. Mais d’autres raisons peuvent se cacher derrière l’utilisation du terme "autistic" à la place du mot "autist".


Certaines personnes peuvent considérer que le terme "autist" est chargé d’une connotation réductrice, et donc négative. Ceux qui portent un regard défavorable sur l’autisme soutiennent que l’identité d’un autiste ne devrait pas se résumer uniquement à son autisme. Ainsi, afin d’éviter l’utilisation du terme "autist", ces gens peuvent utiliser l’adjectif "autistic". L’emploi de cet adjectif leur permet de distinguer l’individu (autiste) de ce qu’ils considèrent comme étant l’élément problématique : l’élément autistique (ou l’autisme). En général, ils vont aussi utiliser le "person-first language" (langage dissociant la personne de sa différence), et dire "person with autism" (une personne avec autisme) au lieu de "an autist person" (une personne autiste). Toutefois, le mot "autist" peut recevoir une connotation négative dans d'autres contextes.

Depuis le syndrome Geek, il est reconnu que parmi les passionnés d’informatique et les geeks, il existe une proportion relativement plus élevée d’autistes. Or, certaines communautés de geeks se spécialisent dans l’art du troll. Et parmi ces communautés, il peut arriver que des autistes utilisent le terme "autist". Étant donné que ces communautés sont perçues négativement, l’utilisation du terme "autist" est influencée par cette perception. Par association, le mot "autist" est lui-même perçu de manière négative. Un exemple notable de cette dynamique peut être observé avec la plateforme 4chan.

Et enfin, certains groupes, tels que les lobbyistes pharmaceutiques ayant des tendances eugénistes à l’encontre des autistes, ainsi que les praticiens de l’analyse comportementale, profitent de cette stigmatisation et encouragent l’utilisation de l’adjectif "autistic". Par exemple, on peut observer sur la page wikitionary consacrée à "autist" une mise en avant excessive du terme "autistic", au détriment de "autist", à travers des citations peu flatteuses et une conversation des modérateurs très orientée.


Pour toutes ces raisons, le terme "autist" est souvent injustement dénigré. Contrairement à l’identité des "femmes", des "juifs", des "homosexuels" et des "noirs", il est devenu inacceptable, pour certains, de parler de celles des "autistes". Car pour ceux qui s’opposent au terme "autist", l’autisme est considéré comme un problème à combattre. Avec le vocabulaire "autistic" (#ActuallyAutistic, #Autistic, #AutisticPride, #ImAutistic), les autistes peuvent être déshumanisées. Il ne s’agit plus d’autiste, mais de gens qui sont reliés à l’autisme (sous entendant "victime" de l’autisme), des gens autistiques. Pour certains business, il est impératif d’utiliser le terme "autistic" en raison de son impact stylistique. L’utilisation de "autistic" contribue à un effet émotionnel, par exemple : « Mon enfant est autistique... le pauvre... il est atteint d’autisme, sauvez-le ». Alors que, l’emploi du terme "autist" peut être associé à un sentiment de fierté et d’acceptation de la neurodiversité : « Je suis autiste et j’assume ma différence sans complexe.». Le terme "autist" représente un obstacle pour les entreprises qui commercialisent un produit et des pratiques prétendant guérir l’autisme. Car une reconnaissance de l’autisme en tant que diversité humaine remettrait en cause leur activité.


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   Pourquoi "autist" est préférable ?

Le débat entre "Person-first language" (langage plaçant la personne avant sa différence) et "Identity-first language" (langage plaçant l’identité avant la personne) est souvent abordé dans le contexte de l’autisme. Cependant, cette discussion manque de pertinence lorsque le terme "autistic" est employé à la place de "autist". Peu importe que l’on utilise le terme "autistic person" (personne autistique) ou "person with autism" (personne avec autisme), car dans les deux cas, l’autisme est considéré comme un problème qui ne devrait pas définir l’identité de l'individu autiste. Tant que le mot "autist" ne sera pas assumé, cela signifie que l’identité des autistes ne sera pas pleinement acceptée. Le véritable débat réside donc dans la préférence du mot "autist" au terme "autistic" pour désigner une personne autiste.

L’autisme n’est pas une caractéristique séparée de la personne autiste. L’autisme fait partie intégrante des autistes et ne devrait pas être perçu comme un problème à résoudre. Le mot "autist" met l’accent sur l’unité de l’individu avec sa neurodiversité (avec ou sans TSA). Alors que le terme" autistic" fait référence à quelque chose de relié à l’autisme. "Autistic" met l’accent sur une chose, et non sur une personne ou sur la neurodiversité.



La rédaction et la révision de cet article ont été réalisées en collaboration avec ChatGPT, un modèle de langage développé par OpenAI.

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